jeudi 10 juillet 2014

Les gars et les filles


Photo : Antoine Beysens
Pas de course aujourd’hui à La Grande Motte pour cause de vent trop fort (25/30 nœuds de tramontane). Le début des phases finales est donc reporté à demain vendredi. C’est l’occasion de se pencher sur un sujet d’actualité incarné dans son aspect sportif par le Nacra17 : mixité, parité et partage des tâches.

La grande originalité du Nacra17, c’est la mixité. L’imposition d’un gars et d’une fille à bord d’un même bateau. A partir de là se pose une cruciale : qui conduit  et qui occupe le siège passager ? Sachant que le passager en question est responsable des manœuvres et d’une grande partie de la stratégie. Pour l’instant, il y a plus d’hommes pilotes que de femmes : sur ce Championnat d’Europe, 1/3 des équipages présente des  filles à la barre (24 filles sur 71 teams).L’explication la plus naturelle à cet état de fait : les garçons  ont historiquement une plus grande expérience du catamaran de sport à haut niveau que leurs homologues féminines. On leur donne donc le volant. Pourtant, ils seraient plus aptes, physiquement, à être d’efficaces « manœuvriers ». Les conditions de navigation musclées qui sévissent sur cette épreuve mettent en exergue l’aspect très physique du Nacra 17  pour l’équipier.


Quel est donc la configuration idéale ? Pour l’instant, le haut du classement général provisoire est plutôt occupé par des tandems au sein desquels les garçons ont le manche. C’est le cas de Billy Besson/Marie  Riou (FRA), Vittorio Bissaro/Silvia Sicouri (ITA), Allan Norregaard/Line Just (DEN), Jason Watherhouse/Lisa Darmanin (AUS), Euan Mc Nicol/Lucinda Whitty (AUS) et Iker Martinez/Tara Pacheco (ESP). Les premiers à présenter une configuration inverse sont les Anglais Lucy MacGregor et Andrew Walsh (7e), suivis de peu par Audrey Ogereau et Matthieu Vandame (FRA, 8e). Dans le top 16, on trouve six équipages où les filles barrent… exactement la même proportion que sur l’ensemble de la flotte. Quelle sera la tendance dans les prochaines années, alors que la classe n’a que deux ans et demi d’existence ? Chacun a son avis sur la question…


Franck Citeau, entraîneur de l’équipe de France : « Après Rio, c’est la fin des hommes qui barrent »

“ Pour moi, l’unique configuration qu’il y aura sur la prochaine olympiade, ce sera une fille à la barre et un garçon en tant qu’équipier. Pour cette campagne-là, il y avait beaucoup plus de garçons ayant une expérience du catamaran (issus du Tornado, de la Formule18), comparé aux filles. Du coup, ils  ont un avantage sur l’agressivité au départ, dans le maniement du bateau et dans la culture du réglage des catas. Une fois que les filles auront comblé ce retard, dès la fin de cette olympiade, ce seront les dernières heures des hommes à la barre ! C’est mon expertise personnelle. Peut-être ai-je tort. Mais tu t’aperçois vite, que ce bateau, dès qu’il y a du vent, impose  une grosse dominante physique. C’est un bateau qui demande d’être dominé.  Si tu ne le domines pas, c’est lui qui te domine. Il faut donc de la force physique dans les manœuvres. Je pense que les nations qui commencent à former des équipages avec des filles à la barre, comme les Hollandais ou les Anglais, seront au rendez-vous dans les prochaines années.

Mitch Booth, entraîneur de l’équipe hollandaise : « On devrait avoir deux séries : un cata féminin et un cata masculin »

“ C’est un bateau très physique pour l’équipier. Dans le vent fort, ce doit être exténuant. Donc, dans la brise,  il y a un avantage aux hommes qui équipent.  C’est plus facile pour eux. Je pense toutefois que toutes les combinaisons peuvent gagner, quel que soit le type de condition de vent. La preuve avec Billy Besson et Marie Riou.

Mais pour moi, honnêtement, le Nacra 17 devrait être un bateau exclusivement féminin et il devrait y avoir un autre multi aux J.O pour les hommes. C’est super que les filles soient là, en catamaran, même si c’est de façon obligatoire. Mais je pense qu’il y a la place pour un bateau pour les filles et un pour les garçons. Je ne pense pas que la mixité soit forcément une bonne idée. Peu de sports olympiques le sont. Il y avait le tennis, mais ça a fini par disparaître. On ne voit pas du lancer de poids ou de javelot mixte aux Jeux…

Comme je l’ai dit, je suis vraiment favorable à ce qu’il y ai des filles en catamaran, parce qu’on en manquait jusque-là et d’ailleurs le Nacra17 est un support parfait pour elles. Le poids moyen de l’équipage est de 120-140 kg mais la tendance est d’avoir des équipages de plus en plus légers. 120 kilos à eux, c’est trop léger  pour un garçon. Alors pour moi : deux filles sur un même bateau, c’est la configuration idéale, comme dans toutes les autres séries voile olympiques.

Lucy Mac Gregor, barreuse de GBR 42 : « Beaucoup de filles se blessent, plus que les garçons »

« Je pense qu’on pourrait avoir les deux configurations sans problème. Mais les bateaux sont très physiques. Je n’envie pas particulièrement les filles équipières. Elles doivent bosser super dur à l’avant du bateau et personnellement, je pense que c’est un avantage d’avoir quelqu’un de physiquement fort à ce poste. Toutefois, quand le vent n’est pas trop fort, ce n’est pas vraiment un problème.

C’est difficile dans une série olympique, parce qu’on est tous sur un pied d’égalité quoi qu’il arrive. A la fin, il y a Rio et il faut se qualifier, survivre jusque-là. Il y a pas mal de filles qui se blessent plus que les garçons. Mais il faut résister à ça, naviguer le plus possible, régater le plus possible pour être assez fort au moment des échéances.

 Il y a des filles talentueuses qui barrent en Nacra : Mandy, Renee, Pipa, les Françaises. Il y a une super ambiance au sein de la flotte et il n’y a pas d’équipage type. Personne ne sait si c’est mieux d’avoir une femme ou un homme à la barre. »

Il n’y a pas de tendance particulière chez les nouveaux équipages qui arrivent. Et on ne voit pas pour l’instant de paires qui échangent les postes. A la barre, il y a des gars comme Billy qui ont une grosse expérience du catamaran.  Moi et Pippa (Wilson, l’autre barreuse anglaise de l’équipe) n’avons pas la même expérience du multi et il faut rattraper ce retard. Par contre, on a beaucoup navigué aussi sur d’autres supports. J’ai fait beaucoup de match racing et je trouve que nerveusement, c’est plus facile en Nacra 17. Tu n’as pas à prendre une décision toutes les 10 secondes. En même temps, le match race, ça aide pas mal : la longueur des parcours, les croisements…

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